"Que sont une terre et sa nature sans ceux qui l'habitent, lui donnent un nom et construisent son histoire? Sur quoi repose l'existence de ces gens qui habitent ces paysages somptueux, cette terre si rude? L'environnement peut-il modeler les hommes? Est-il possible de penser que la nature les grandit, les transforme pour le meilleur ou le pire? [...]
- Unnur, tu vas prendre un hamburger ou un hot dog quand nous serons arrivés à Hella?
Je suis brutalement tirée de mes réflexions et je ralentis un peu. La question provient du dessous de la visière du photographe que je croyais profondément endormi.
- On est en pleine nuit, Sigurgeir, tout est fermé à Hella.
- Et si on se grillait des saucisses au refuge de Nyidalur?
- On pourrait faire ça.
- Tu l'imagines comment, le paradis?
- Le paradis...? Je crois qu'il pourrait être tout à fait comme ça. Sables noirs, glaciers étincelants, taches vertes de végétation. Tu files à toute allure et droit devant toi, il y a le sud.
Il relève sa casquette, se redresse et scrute le paysage. Je rajoute doucement:
- Peut-être que le désert de Sprengisandur porte en lui les ombres d'êtres non encore modelés et les histoires encore non vécues des futures générations.
Il s'allonge à nouveau et rabaisse sa casquette sur ses yeux.
- Réveille-moi à Nyidalur."
(Unnur Jökulsdóttir, extrait // excerpt, Íslendingar)